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Musiquer en groupe à l’école, c’est muscler son succès

  • Marie-Claude Mathieu, Candidat au doctorat en éducation, Université Laval
  • Isabelle Héroux, Professeure Université du Québec à Montréal
  • Valerie Peters, Professeure titulaire – Directrice des programmes de maîtrise et de doctorat en éducation musicale, Université Laval 

Jouer de la musique en groupe réunit souvent les gens dans des moments de joie et de célébration. Qui n’a pas ressenti un sentiment de connexion en chantant autour d’un feu ou en entonnant un « Joyeux Anniversaire » en chœur ? Pour tous, jeunes et moins jeunes, la pratique collective de la musique forge non seulement un sentiment de communauté, mais aussi une myriade de bénéfices émotionnels et sociaux. Alors, quels bienfaits se cachent derrière l’acte de musiquer en groupe pour nos jeunes?

La musique est un puissant levier dans le développement de l’enfant. Elle influence son épanouissement, sa réussite et son bien-être au sein de l’environnement scolaire. Qu’elle soit explorée dans un contexte académique formel, à travers des activités parascolaires telles que les chorales, les orchestres ou les jazzbands, ou même dans un environnement extrascolaire – pensez aux ateliers de groupes pop-rock dans les écoles de musique –, les opportunités pour les jeunes de s’immerger dans des expériences musicales collectives sont diverses et variées. D’ailleurs, la musique de groupe, par sa nature, sollicite les compétences socio-émotionnelles des individus d’une façon singulière, des compétences qui trouvent écho dans divers aspects de la vie.  

Dans les lignes qui suivent, nous explorons comment la pratique musicale en groupe s’avère être une précieuse alliée pour le développement global des jeunes, tant sur le plan social, cognitif que scolaire.  

Des bienfaits socio-émotionnels perceptibles

Plusieurs études suggèrent que musiquer en groupe nourrit le développement de compétences socio-émotionnelles. En tant qu’activité basée sur la collaboration qui nécessite une interaction et une coordination continues entre les participants, elle peut agir comme catalyseur pour renforcer les relations interpersonnelles. Dans ce contexte, les participants sont non seulement amenés à collaborer, mais également à partager activement leur savoir et leurs compétences, créant ainsi un environnement d’apprentissage mutuel. Par exemple, il a été observé que les cours de musique en groupe améliorent la cohésion sociale des enfants ayant des compétences sociales plus faibles en stimulant l’empathie et en renforçant leur comportement prosocial [1]. 

Dans une autre étude, les jeunes issus de familles à faible revenu ont vu leurs relations avec leurs enseignants s’améliorer significativement après avoir participé à un atelier de percussion durant un trimestre, animé par un intervenant de l’école [2]. D’autre part, certains parents témoignent que l’implication de leurs enfants dans des programmes musicaux a enrichi les liens familiaux, par exemple, en permettant aux aînés de modeler un engagement positif pour leurs cadets ou en partageant des moments de qualité lors des concerts [3]. Finalement, les tout-petits exposés à des activités musicales de groupe dans leur service de garde manifestaient une meilleure gestion et compréhension de leurs émotions par rapport à ceux non exposés à des interventions musicales [4].

Jouer de la musique en groupe exige une concentration et une écoute soutenue de la part des musiciens pour ajuster constamment leur performance à celle de leurs camarades. Cette discipline inhérente à l’activité favorise une responsabilisation individuelle, car chaque musicien joue un rôle crucial et doit s’investir pour la réussite collective.  À cet égard, des parents ont affirmé avoir noté un sens des responsabilités accru chez leurs enfants qui s’étendait au-delà de la musique et se reflétait également dans d’autres sphères de leur vie scolaire. Des enfants, quant à eux, expriment que la musique leur apprend à devenir davantage patient et engagé vis-à-vis leur ensemble musical [3].

Les cours de musique en groupe sont également un terreau fertile pour le développement de la synchronie, soit l’exécution simultanée d’une série d’événements ou d’actions, qu’ils soient biologiques, comportementaux ou affectifs. Musiquer offre un cadre rythmique qui facilite la coordination de mouvements simultanés, que ce soit en grattant les cordes d’un ukulélé, en frappant les baguettes sur un tambour pour reproduire un même rythme, en chantant la même note ou en exprimant la même émotion en interprétant une chanson. Certaines études ont établi un lien entre la synchronie lors des interactions parents-enfants et plusieurs aspects positifs du développement de l’enfant, tels que la santé mentale, le développement moral et émotionnel, ainsi que des comportementaux positifs [1]. En ce sens, les activités qui encouragent des niveaux élevés de synchronisation motrice, comme le chant et le jeu instrumental en groupe, augmentent la coopération et le sentiment de bien-être chez les enfants, tout comme chez les adultes.

Des bénéfices notables sur les habiletés cognitives et la réussite scolaire

En plus des bienfaits prosociaux évidents, musiquer en groupe contribue au développement cognitif et à la réussite scolaire en général. Une étude a démontré qu’une participation à un programme de musique intensif échelonné sur 2 ans améliorait de façon significative la mémoire à court terme tant auditive que visuelle chez les enfants du primaire [4]. Les chercheurs attribuent cette amélioration chez les participants musiciens à l’utilisation de stratégies d’encodage plus efficaces. Ces derniers optimisent la capacité à transformer une information (comme une image ou un son) pour la traduire et la stocker, à l’instar du fonctionnement d’un ordinateur. Cet effet n’est pas limité aux enfants ; il a également été observé chez des adultes participant à des programmes similaires. Pour les enfants en bas âge, une expérience musicale de groupe, en leur proposant un environnement riche en stimuli distincts de leur contexte domestique habituel, favorise leur utilisation de gestes communicatifs qui surviendraient ultérieurement dans leur développement [5].

Par ailleurs, s’engager dans une activité musicale collective influencerait positivement la réussite scolaire des jeunes. En effet, les parents d’enfants ayant participé à un programme de musique parascolaire ont observé une amélioration dans les capacités de concentration, d’attention et de gestion du temps chez leurs enfants, facteurs qui contribuent à une performance académique accrue [3]. Par essence, l’activité elle-même, qu’elle soit pratiquée par des novices ou des musiciens plus avancés, améliore parallèlement leurs habiletés musicales.

Une meilleure qualité de la vie scolaire

L’engagement dans une activité musicale collective est souvent corrélé avec une amélioration de la qualité de la vie scolaire pour de nombreux jeunes musiciens. Selon une étude impliquant des enfants participant à un programme musical offrant en moyenne 4 heures de cours de musique par semaine, la satisfaction générale vis-à-vis de l’école a été mise en lumière [6]. Cette satisfaction générale à l’égard de l’école serait notamment attribuée au fait que le processus d’apprentissage musical expose largement les enfants à la pensée critique, particulièrement sollicitée lors de l’interprétation d’une pièce (ceci se rapportant à l’écoute active, à la réflexion et à l’ajustement en vue d’améliorer sa performance), nourrissant ainsi un sentiment d’accomplissement positif. En outre, les jeunes témoignent que la participation à un programme musical leur procure davantage d’opportunités de s’épanouir à l’école, par exemple à travers divers projets ou préparations à des concerts. Les programmes de musique permettent également aux jeunes de vivre des expériences émotionnelles et esthétiques riches qui s’avèrent être des composantes positives contribuant à une vie scolaire de haute qualité.  

De surcroît, les participants au programme de musique intensif ont signifié une plus grande satisfaction vis-à-vis du climat de leur classe comparativement aux élèves d’autres programmes. La participation à des activités musicales de groupe a renforcé le sentiment d’appartenance et de fierté des élèves. En effet, le partage d’un but commun instaure un esprit d’équipe qui augmente le plaisir ressenti en classe. Un bon climat de classe se traduit aussi par une relation « prof-élève » épanouissante. Ainsi, les jeunes ont qualifié la relation comme étant équitable et juste, ce qui pourrait être lié à la façon dont l’enseignant répartit les différentes responsabilités au sein du groupe.

En conclusion, la pratique musicale de groupe chez les jeunes non seulement joue un rôle dans le développement d’habiletés prosociales et cognitives, mais contribue également à améliorer la qualité de la vie scolaire. Quoi qu’il en soi, faire partie d’un ensemble dans lequel tous les musiciens doivent se synchroniser pour chanter ou jouer en chœur procure un sentiment d’appartenance et une joie qui transcendent tous les bénéfices escomptés. Le rythme après tout, c’est la vie !

À savoir également

Les enfants qui manifestent des difficultés liées à l’attention répondent en général très bien aux interventions musicales en groupe.

Le cerveau des tout-petits serait tout particulièrement réceptif en ce qui concerne l’expérience musicale.

L’acquisition des habiletés musicales, le développement cognitif et l’interaction sociale ne fonctionnent pas en vase clos, mais s’influencent mutuellement. Ainsi, la musique est un des moyens pour contribuer au développement global des enfants.

Nos conseils

Quand commencer les cours de musique? Avec les tout-petits, il est préférable de choisir des cours d’éveil musical avec une approche parent-enfant

  • Lorsque le parent est activement impliqué et que les approches et le matériel utilisés sont appropriés, la formation musicale peut commencer dès la petite enfance

Utiliser des chansons pour transmettre des valeurs aux enfants

  • Les chansons sont d’excellents véhicules pour transmettre des valeurs. En plus du répertoire existant, elles peuvent être composées pour répondre à un besoin spécifique

Favoriser ou privilégier la participation à des programmes ou des cours qui s’échelonnent dans le temps En effet, il a été démontré que les bénéfices sont plus importants lorsque les programmes ont une visée à long terme et un engagement fréquent.

Références

  1. Schellenberg, E. G., Corrigall, K. A., Dys, S. P., et Malti, T. (2015). Group Music Training and Children’s Prosocial Skills. PloS one, 10(10). https://doi.org/10.1371/journal.pone.0141449
  2. Ho, P., Jennie C. I. Tsao, Lian Bloch, et Lonnie K. Zeltzer. (2011). The Impact of Group Drumming on Social-Emotional Behavior in Low-Income Children. Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine, 2011. https://doi.org/10.1093/ecam/neq072
  3. Whitson, M. L., Robinson, S., Valkenburg, K. V., et Jackson, M. (2020). The benefits of an afterschool music program for low-income, urban youth : The music haven evaluation project. Journal of Community Psychology, 48(2), 426‑436. https://doi.org/10.1002/jcop.22263
  4. Degé, F., Wehrum, S., Stark, R., et Schwarzer, G. (2011). The influence of two years of school music training in secondary school on visual and auditory memory. European Journal of Developmental Psychology, 8(5), 608‑623. https://doi.org/10.1080/17405629.2011.590668
  5. Gerry, D., Unrau, A., et Trainor, L. J. (2012). Active music classes in infancy enhance musical, communicative and social development. Developmental Science, 15(3), 398‑407.
  6. Eerola, P.-S., et Eerola, T. (2014). Extended music education enhances the quality of school life. Music Education Research, 16(1), 88‑104. https://doi.org/10.1080/14613808.2013.829428